La révérence d'un vieux sage

La révérence d'un vieux sage

Le vieux sage Belgarathh était fatigué, usé par les ans et par les combats, même sa monture semblait trainer son poids dans tout le Lorndor. Cette fois ci, il arriva encore une fois sur le champs de bataille bien après le début de celle ci. Il avait erré dans cette région du Lorndor, la providence l'empechant désespérément de trouver le bon chemin vers le point de rendez vous.

Finalement, à l'aube du 3ème jour de combat, il réussi a trainer sa vieille carcasse jusqu'au point de rassemblement. Il n'avait plus d'énergie et attendait de pouvoir se reposer, protégé du feu du combat au milieu de ses nombreux amis et alliés.

Pourtant, une fois de plus, l'attaque fut rapide et sournoise. L'Elfe jaillit de nulle part et fondit sur lui. Encore une fois se dit il. La monture du vil et puissant agresseur le chargea et, a bout de forces, le vieux magicien s'écroula sous la violence des assauts de son adversaire.

Effondré sur le sol, Belgarathh gisait la. Les yeux fermés, tournés vers les ténèbres. Depuis le temps, la mort ne lui faisait plus peur. Il savait que son étoile veillait et qu'elle prendrait soin de lui. Qu'il reviendrait bientot trainer ses os dans le coin.

Cependant, cette fois ci, l'étoile ne veillait plus. Las, rongé par le poids des années, le sorcier décrépit avait définitivement tiré sa révérence. L'Elfe n'avait surement pas pensé être le dernier a envoyer Belgarathh le sage dans l'autre monde. Mais force était de constater que cette fois ci, il semblait que le vieil homme ne s'en remettrait pas.

Un jour nouveau, une nuit éternelle.

L'aube se leva comme tous les jours, fidèle a elle même. Pourtant, celle ci, si insignifiante, si familière, devait marquer a jamais l'esprit de ceux qui la virent ce matin la.

Le corps sans vie du sorcier gisait encore sur le champs de bataille. La rosée perlait sur tout son corps et s'écoulait lentement entre ses épais sourcils grisonnants. Il était blême. Figé dans la mort. Son visage semblait enfin avoir trouvé un repos bien mérité.

Soudain un éclair fendit la brume. Silencieux. Inattendu. Le cadavre sembla pousser un rale profond alors que la lumière s'engouffrait dans sa gorge désséchée. La poitrine du vieillard semblait se soulever, comme prète a reprendre vie. Mais finalement, se fut comme un dernier soubresaut.

La fumée dissipée, une odeur de souffre fit place a la légère brise du matin et tous purent alors constater que le pauvre corps n'était plus là.

Tout a coup, une ombre s'éleva dans les airs, tourna quelques instants au dessus de cet endroit qui fut la derniere demeure du vieux sage puis disparut. Aussi silencieusement que la foudre qui venait de frapper les restes de Belgarathh. Un frisson glacial semblait parcourir l'ensemble des combattants restés sur place. La surprise faisant place a l'épouvante.

***

Des bruits sourds étouffés, des rires stridents, des cris lugubres. Une lumière blafarde a travers le flou de son regard. Belgarathh émergeait lentement des ténèbres. Une sensation étrange se faisait de plus en plus présente en lui. Un immense chagrin mais aussi, étrangement, une puissance longtemps oubliée semblait l'avoir de nouveau envahie. Il ne ressentait plus cette lassitude qui était sienne depuis tant d'année, fini cette fatigue, fini le poids des années.

Il reposait paisiblement il ne savait ou. Dans un endroit inconnu. Il se laissait aller et ce bien être lui était nouveau. Il essaya encore une fois d'ouvrir les yeux. Il était assi sur une dalle de pierre noire. La pièce autour de lui était nue, vide de tout ornement et de toute trace de vie. Des ombres étranges flottaient au plafond. Des bruits sinistres lui parvenaient de toute part, et pourtant, ces bruits lui étaient agréables comme familiers.

Il regarda son corps. Et une expression de surprise puis d'horreur passa sur son visage qui semblait hurler dans un cri silencieux. Sa peau était blanchatre et froide, souple et ferme. Aucun bruit n'emplissait sa poitrine, aucun souffle d'air ne venait remplir ses poumons. Cette vie nouvelle qui était en lui semblait mue par une espèce de force supérieure, de magie qui le faisait voir, sentir, marcher, penser. Mais aucune vie n'était en lui.

Il était comme un nouveau né qui découvre un nouveau monde. Il se souvenait. Il savait d'ou il venait. Mais il avait pourtant tout a apprendre. La force de son bras, la vigueur de son corps, la rapidité de son esprit. Tout était là comme neuf. Il devrait maintenant apprivoiser se corps. Apprivoiser cette nouvelle perception du monde, ce manque de vie dans la vie.

De la lumière, il était passé a l'obscurité. Etre du jour il devenait maintenant créature de la nuit. Il le savait, il en était persuadé, cette nuit serait maintenant éternelle. Pourquoi ce don ? Qu'importe. Il était de nouveau dans la bataille. Certes, il devrait apprendre et s'armer de patience. Mais en guise de patience il avait du temps et une rage... infinie.

Belga est mort, vive Belga !

Force et Honneur, Frère !

Le vieux est crevé, ha c'était plus de son age tout ça !

Belgarathh marchait d'un pas léger. Rapide. Il avait rejoint ses amis, son clan. Soudain, il entendit un bruit de pas. Mais il ne voyait personne. Il se cacha et attendit.

Étrange comme ses sens étaient tout a coup aiguisés. Étrange mais...très intéressant.

Un Nain finit effectivement par arriver sur le chemin. Belga tendit son doigt et une boule de feu jaillit. Le projectile heurta le petit être qui s'effondra.

"Tiens, je n'ai pas perdu mes bonnes habitudes", se dit il.

Pourtant, quelque chose avait changé en lui. Il regardait le corps inerte. Le sang coulait a présent des nombreuses plaies causées par l'attaque. Il hésitait. Il se sentait attiré mais... Tout à coup, le nain bougea. Il était au seuil de la mort. En un quart de seconde, Belgarathh était sur lui et lui offrit ce présent éternel.

En se relevant, il était de nouveau calme, reposé. Il se sentait plein de vigueur comme rajeunit. Il commençait lentement a comprendre de quoi il retournait. Un sourire vint éclaircir son visage... alors qu'une goutte de sang perlait sur le coin de sa bouche.

Une douleur piquante et brulante prit la jeune femme à l'oeil. Puis sa vue se troubla un instant... mais un instant seulement. Elle retrouva rapidement une vision claire et dégagée, lorsqu'une larme libératrice s'échappa et roula sur sa joue.

Syhl ne chercha pas à l'essuyer.
La première larme s'écrasa sur la terre aride et poussiéreuse. Bientôt suivie par une autre. Puis une troisième.

La jeune guerrière n'éprouvait aucune honte à pleurer devant ses hommes en cet instant précis. Bien au contraire. Ce jour était à marquer d'une pierre noire dans sa vie et dans celle de tous les membres du clan.


C'est Sonja qui avait découvert le corps inanimé du vieux sage. Et qui avait donné l'alerte, en poussant un juron terrible. Tous les membres du clan disponibles à ce moment là avaient alors lâché leurs occupations en cours pour se précipiter au secours de Belgarathh. Mais il était trop tard, le corps blème et froid du vieux sorcier avait déja pris la rigueur de la mort.

Dans un terrible silence, tous les membres du clan s'étaient entre regardés, interloqués... Pour la première fois, les Dieux n'avaient pas pris soin de leur vieux serviteur. Ils ne l'avaient pas ramené jusqu'au royaume humain, ils ne l'avaient pas arraché des griffes de la Grande Faucheuse...

Et soudain, alors que la consternation et l'incompréhension se lisaient sur le visage de Syhl et des siens, un éclair brutal avait frappé le corps sans vie du vieil homme... qui avait disparu dans un halo de lumière...


Deux longues journées avaient passées... Deux jours de tristesse et d'errance pour la jeune femme, comme probablement pour tout le reste du clan. Deux jours, mais aussi deux nuits, terribles et interminables, pendant lesquelles la jeune guerrière ne ferma l'oeil.
Elle était assaillie par le remord. La veille de sa mort, elle avait vu du coin de l'oeil son vieil ami au prise avec un jeune elfe fougueux, qui le harcelait avec la fougue habituelle des jeunes combattants. Elle avait voulu aller lui prêter main forte, mais d'un regard, Belgarathh lui avait fait comprendre qu'il saurait se débrouiller seul. Elle lui avait donc tourné le dos pour plonger plus au coeur du combat... Elle l'avait abandonné... Chose qui la hanterait jusqu'à la fin de ses jours...


Sa vue se troubla une nouvelle fois... un peu plus fort, un peu plus longtemps.
Plusieurs autres larmes se mirent à couler, de façon bientôt ininterrompue.
Face à la jeune femme, un brasier flambait. Syhl avait donné l'ordre d'assembler de quoi dresser un bûcher funéraire pour rendre un dernier hommage à leur compagnon disparu.
Avec l'aide des plus anciens compagnons du vieux sage, elle avait regroupé bles posséssions de son ami. Ses vieux grimoires, ses livres de sorts les plus précieux et les plus rares furent mis de côté, ainsi que des médailles de combat, et sa robe d'archimage. Tout cela serait exposé en salle commune du clan, afin que tous puissent se souvenir de lui, et que le savoir qu'il avait accumulé après tant d'année de labeur puisse profiter aux jeunes magiciens peu expérimentés du clan. Le reste de ses maigres possessions fut disposé sur le bûcher, pour y être brûlé en guise de corps.


Syhl et les siens restèrent debout, silencieux et terriblement immobiles pendant que les flammes consumaient tout. Sur la fin, un orage qui menaçait éclata, et une pluie diluvienne tomba, éteignant les flammes et douchant littéralement sur place la jeune femme et les siens.
Plusieurs minutes s'écoulèrent, l'eau de pluie se mêlant aux sillons de larmes sur les joues de la jeune femme... Lorsque Ryu-San vint poszer sa main sur l'épaule de sa chef, la ramenant à la dure réalité. La mort était venue, mais la vie devait reprendre son cours...

Toujours en fixant les décombres fumantes, sa voix s'éleva, neutre, quoique lasse.
- " L'ennemi a fuit. La menace n'est plus. Rentrons chez nous."


Tandis que les premières tentes étaient démontées à la hâte, la jeune femme s'approcha du bûcher, et s'agenouilla. Elle sortit sa dague et la planta dans quelques braises restantes, puis elle dénuda son bras. Serrant les dents, elle y fit une longue entaille avec la lame chauffée à blanc.
" Que mon bras se souvienne de toi, Belgarathh, et que plus jamais il n'abandonne l'un des siens derrière lui."

Puis elle se redressa, et partit rejoindre les siens.